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Publié en ligne le 26 décembre 2022
https://doi.org/10.23925/2763-700X.2022n4.60181
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Phénoménologie du langage, recueil d’articles de Jean-Claude Coquet datant des années 2005 à 2017 et devenus difficiles d’accès parce que publiés en ordre dispersé, vient de paraître1. Organisé par Ahmed Kharbouch en étroite collaboration avec son ancien directeur de thèse, ce volume donne une vue générale de la « sémiotique des instances » que l’auteur avait commencé d’esquisser dès les années 1970, dans Sémiotique littéraire (Mame, 1973), mais qu’il a développée surtout à partir de La quête du sens (P.U.F., 1997) puis systématisée dans Phusis et Logos (Presses Universitaires de Vincennes, 2007).

1 Jean-Claude Coquet, Phénoménologie du langage, choix de textes rassemblés et introduits par Ahmed Kharbouch, postface de Michel Costantini, Limoges, Lambert-Lucas, 2022, 272 p.

Comme l’explique la substantielle Introduction d’Ahmed Kharbouch qui ouvre le livre, ce qui a motivé et soutenu tout au long cette entreprise de longue haleine, c’est la conviction qu’« il existe une continuité, souvent occultée ou méconnue, entre le langage, la réalité et l’être »2. Toute l’œuvre de Coquet aura eu pour objectif de fonder sémiotiquement cette intuition et de la traduire en termes analytiquement opératoires3. A cet égard, le présent recueil montre d’abord en quoi la démarche coquettienne, et sa visée même, diffèrent du projet de Greimas, référence initiale que tout ce travail prolonge à sa manière, tout en s’en démarquant4. Mais l’organisation tripartite du volume permet aussi, plus spécifiquement, tout d’abord de mieux comprendre ce que le regard sémiotique de l’auteur doit à son autre grande source d’inspiration, la phénoménologie (celle, surtout, de Merleau-Ponty — 1re partie), puis de mesurer la portée de ce que sa théorie apporte de neuf pour le traitement de son principal champ d’application, la littérature (2e partie), et enfin, d’en saisir la signification par rapport au champ philosophique (3e partie).

2 A. Kharbouch, « Introduction. “Le langage sert à vivre” », in J.-Cl. Coquet, Phénoménologie du langage.


3 Pour une illustration de ce caractère opératoire, voir, dans le présent numéro, « Phénoménologie du langage et anayse sémiotique du discours », également d’Ahmed Kharbouch.


4 Sur ces rapports complexes, voir, d’A. Kharbouch aussi, « De Greimas à Jean-Claude Coquet. Le discours et son sujet », Actes Sémiotiques, 120, 2017 (Sept lectures pour un centenaire).

Acta Semiotica privilégie certes une piste de recherche différente, à savoir une approche interactionnelle du sens dans l’expérience et les pratiques. Mais il est toujours profitable de se confronter avec d’autres options théoriques, à commencer par celles qui sont issues de la même source greimassienne. Et en l’occurrence la confrontation est d’autant plus prometteuse qu’en dépit de styles très différents les affinités théoriques en profondeur ne manquent pas. En termes très généraux, d’un côté, pour Coquet, il s’agit d’articuler logos et phusis. De l’autre, pour l’équipe « socio-sémiotique », l’ambition est de dépasser la coupure entre « l’intelligible » et « le sensible ». Et cela, dans l’un et l’autre cas, en postulant l’antériorité phénoménale d’un des deux plans — la phusis / l’esthésique — par rapport à l’autre (le logos / le cognitif). Ainsi résumée, la visée ultime nous paraît à ce point similaire de part et d’autre qu’il s’agit à nos yeux de deux cheminements parallèles pour résoudre un même problème. Or, si on en croit la physique contemporaine, il n’est pas à exclure que deux parallèles puissent se croiser ou se rejoindre. Pourquoi ne serait-ce pas le cas ici, au moins sur certains points ?

Par anticipation, voilà en tout cas une bonne raison de recommander à tout socio-sémioticien de lire, ou de relire Coquet.


Eric Landowski

 


1 Jean-Claude Coquet, Phénoménologie du langage, choix de textes rassemblés et introduits par Ahmed Kharbouch, postface de Michel Costantini, Limoges, Lambert-Lucas, 2022, 272 p.

2 A. Kharbouch, « Introduction. “Le langage sert à vivre” », in J.-Cl. Coquet, Phénoménologie du langage.

3 Pour une illustration de ce caractère opératoire, voir, dans le présent numéro, « Phénoménologie du langage et anayse sémiotique du discours », également d’Ahmed Kharbouch.

4 Sur ces rapports complexes, voir, d’A. Kharbouch aussi, « De Greimas à Jean-Claude Coquet. Le discours et son sujet », Actes Sémiotiques, 120, 2017 (Sept lectures pour un centenaire).

 

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