En souvenir de Joseph Courtés

En souvenir de Joseph Courtés
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Publié en ligne le 30 juin 2023
https://doi.org/10.23925/2763-700X.2023n5.62446
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Joseph Courtés est mort le 10 mars 2023, à l’âge de 88 ans. Nous ne l’avons appris que tout récemment. Pourtant, à titre personnel, il était un de mes plus vieux amis (notre rencontre date de 1968, dans les locaux du Collège de France où Greimas tenait ses premiers séminaires). Mais depuis la mort de notre maître commun, en 1992, il s’était retiré dans son Occitanie natale. On savait qu’il y poursuivait assidûment ses recherches et son enseignement de sémioticien (à l’université de Toulouse-Le Mirail) ; en revanche il ne participait plus que très épisodiquement au séminaire parisien et d’une manière plus générale aux activités du groupe de recherche « greimassien ».

 

Il n’en aura pas moins été un des piliers de toute l’entreprise. Avant d’être connu comme le co-auteur de notre Dictionnaire de référence constante — le « Greimas-Courtés »1 —, il était devenu dès la première moitié des années 70 l’interlocuteur le plus constant et sans doute l’un des plus proches de Greimas, à la fois son secrétaire, son assistant, son ami, presque son alter ego en dépit de la modestie et de la discrétion avec laquelle il assumait toutes ces fonctions. Indéfectiblement présent chaque mercredi et chaque jeudi à sa table dans l’antichambre du bureau du 10 rue Monsieur-le-Prince, alors point de ralliement pour les sémioticiens du monde entier, il était pour ainsi dire l’âme des lieux.

1 Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

Son œuvre est considérable. D’abord par l’importance de sa contribution sur le plan de la sémiotique générale. Nul ne sait au juste à qui, de Greimas ou de Courtés, il faut attribuer la paternité de chaque entrée du Dictionnaire 1, mais ce qui est certain, c’est que le co-auteur y a joué davantage que le rôle d’un simple auxiliaire. Au point qu’à notre sens, ce qu’on appelle aujourd’hui la sémiotique standard est au fond, pour une large part, la sémiotique non pas « de Courtés » mais au moins « selon Courtés ». Parallèlement, les travaux personnels qu’il menait en relation avec les folkloristes, initialement à partir de l’étude des contes populaires, ont rapidement fait de lui le principal explorateur de la dimension discursive des objets de sens, avec de nombreuses publications tout d’abord sur le thématique et le figuratif, puis sur la problématique de l’énonciation. D’autres ont par la suite pris le relais (notamment Jacques Geninasca, Jean-Marie Floch, Denis Bertrand, Greimas lui-même), mais à partir du socle conceptuel établi par Courtés. L’impact de ces propositions théoriques a été d’autant plus décisif qu’à côté de ses recherches il accomplissait un remarquable travail didactique sous forme d’ouvrages d’initiation, choses rarissimes à l’époque2.

2 Introduction à la sémiotique narrative et discursive, 1976 ; Sémantique de l’énoncé : applications pratiques, 1989 ; Sémiotique narrative et discursive. Méthodologie et application, 1993.

De tout cela, la bibliographie qui suit, reconstituée à partir des informations partielles dont nous disposons, ne donne qu’une vue incomplète. A côté des huit principaux livres parus entre 1973 et 2003 et de la trentaine d’articles ici mentionnés, il faudrait ajouter un nombre indéterminé d’autres travaux devenus introuvables et dont même les références nous manquent.

Le manuscrit daté de 1979 recopié ci-après en fac-similé, dont une version imprimée est parue dans un des volumes d’Actes des colloques annuels jadis tenus à Albi, fait partie de ces œuvres désormais très difficiles d’accès. Voilà pourquoi nous le reproduisons ici : comme un document rare, une sorte de pièce à valeur historique. Ces pages par endroits difficiles à déchiffrer malgré une écriture aussi appliquée que le raisonnement est méthodique ont été retrouvées il y a peu, plus de quarante ans après, à Istanbul, par Mehmet Rifat, un de ses anciens collègues qui a eu la gentillesse de nous les communiquer.

Bien sûr, aujourd’hui, la méthodologie mise en œuvre au fil de cette étude demanderait à être revue sur divers points. Bien sûr, il ne s’agit pas non plus d’un texte représentatif de l’œuvre de Courtés dans son intégralité : lui-même l’aurait certainement amendé s’il en avait eu l’opportunité. Même le carré autour duquel s’articule toute l’analyse mériterait certainement d’être discuté ! Mais ce n’est pas en l’occurrence cela qui importe. Tel qu’il est, ce document témoigne d’une étape cruciale de la recherche. C’est à ce titre que nous le publions : à la fois en souvenir affectueux de notre ami et comme une image, par définition vieillie, de cette heureuse époque où toute une équipe travaillait de concert à la construction de cette discipline « à vocation scientifique » : la sémiotique.


Eric Landowski

 

Joseph Courtés
Bibliographie partielle

— « De la description à la spécificité du conte populaire merveilleux français », Ethnologie française, II, 1-2, 1972.

— Lévi-Strauss et les contraintes de la pensée mythique, Tours, Mame, 1973.

— Introduction à la sémiotique narrative et discursive, Paris, Hachette, 1976.

— et Fréderic Nef, « Structures élémentaires de la signification », Bruxelles, 1976.

— et A.J. Greimas, « The cognitive dimension of narrative discourse », New Literary History, 1976.

— « La séquence du mariage dans le conte populaire merveilleux français », Ethnologie française, VII, 2, 1977.

— « A propos de la formation des discours pédagogiques », Actes Sémiotiques – Bulletin, 7, 1979.

— et Algirdas J. Greimas, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, tome 1, Paris, Hachette, 1979.

— « Quelque chose qui ressemble à un ordre », in A.J. Greimas et E. Landowski (éds.), Introduction à l’analyse du discours en sciences sociales, Paris, Hachette, 1979.

— « La baba Yaga. Perspectives d’analyse », Documents de recherche en linguistique textuelle, Université de Toulouse - Le Mirail, 2, 1979.

— « La lettre dans le conte populaire merveilleux français : contribution à l’étude des motifs », Actes Sémiotiques – Documents, 9 et 10, 1979, 14, 1980.

— « Dictionnaire de langue et dictionnaire conceptuel », Actes Sémiotiques – Bulletin, 13, 1980.

— « Le motif selon S. Thompson », Actes Sémiotiques – Bulletin, 16, 1980.

— « Deux niveaux du discours : le thématique et le figuratif. Contre-note à Fr. Rastier, Le développement du concept d’isotopie », Actes Sémiotiques – Documents, 29, 1981.

— « Pour une approche modale de la grève », Actes Sémiotiques – Bulletin, 23, 1982.

— « Motif et type dans la rafition folklorique : problème de typologie », Littérature, 45, 1982.

— « Figures, code figuratif et symbolisation », Actes Sémiotiques – Bulletin, 26, 1983.

— « Sentiments d’estime et de mésestime : du lexique à la sémantique », Degrés, 37, 1984.

— et Algirdas J. Greimas (éds.), Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, tome 2, Compléments, débats, propositions, Paris, Hachette, 1985.

— « Sémiotique et théologie du péché », in H. Parret et H.G. Ruprecht (éds.), Exigences et perspectives de la sémiotique, Amsterdam, Benjamins, 1985.

— « Pour une sémantique des traditions populaires », Actes Sémiotiques – Documents, VII, 65, 1985.

— « Introduction à la sémantique de l’énoncé », Actes Sémiotiques – Documents, VII, 73-74, 1986.

— Le conte populaire : poétique et mythologie, Paris, P.U.F., 1986.

— « La dimension mythique du conte populaire merveilleux », in M. Arrivé, J.-Cl. Coquet et E. Landowski (éds.), Sémiotique en jeu, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamins, 1987.

— Sémantique de l’énoncé : applications pratiques, Paris, Hachette, 1989.

— Analyse sémiotique du discours : de l’énoncé à l’énonciation, Paris, Hachette, 1991.

— et Algirdas J. Greimas, « Les points de vue dans le discours », Voies Livres, 63, 1992.

— « Du signifié au signifiant : étude d’une bande dessinée de Benjamin Rabier », Nouveaux Actes Sémiotiques, 21-22, 1992.

— « Découvrir la sémiotique », Sciences humaines, 22, 1992.

— « L’objet du croire dans “La ficelle” de G. de Maupassant », Le savoir et le croire, Actes du colloque d’Albi Langage et signification, Université de Toulouse-Le-Mirail, 1992.

— « Statut actuel de la sémiotique en France », Cahiers Interdisciplinaires des Sciences du Langage, Université de Toulouse-Le-Mirail, 9, 1992-93.

— Sémiotique narrative et discursive. Méthodologie et application, Préface d’A.J. Greimas, Paris, Hachette, 1993.

— « Un lieu commun en ethnolittérature : le motif ? », Protée, 22, 2, 1994.

Du lisible au visible. Amalyse sémiotique d’une nouvelle de Maupassant et d’une bande dessinée de B. Rabier, Louvain-la-Neuve, de Boeck, 1995.

— « Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique », Ethnologie française, 25, 2, 1995.

— « L’énonciation comme acte sémiotique », Nouveaux Actes Sémiotiques, 58-59, 1998.

La sémiotique du langage, Paris, Nathan, 2003.

— « Entretien sémiotique », in A. Biglari (éd.), Entretiens sémiotiques, Limoges, Lambert-Lucas, 2014.

 


1 Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.

2 Introduction à la sémiotique narrative et discursive, 1976 ; Sémantique de l’énoncé : applications pratiques, 1989 ; Sémiotique narrative et discursive. Méthodologie et application, 1993.

 

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